sábado, 15 de noviembre de 2014

Shoshana Rappaport-Jaccottet, 'In abstentia'



In abstentia. Rouge sang. Fin des jacinthes. Début du carnage. Rouge sang. Soumise aux effets délétères du retrait. Que chercher désormais sinon l’intranquillité ? (Replis des tisseuses lentes non Pénélope(s).) Voraces injonctions, armures bruissantes inutiles, révoquées les tentatives d’appoint, c’est le bazar sur toute la ligne. Quelle ligne ? Où se trouve le cadre ? Naïveté du genre. Le corps dans tous ses états. Fin des ébats. Rouge sang. Stupeur du sentiment, tel arrimage vif hors de la bande prospère. Zéro pointé. Les mots à l’affût. Sempiternelle question du lien, de l’attache. Tout fout le camp. Brutalité du beau mérite. Il n’y a de défaites que seul devant sa glace, dans sa conscience. Alors répéter en soi le geste, silencieusement. S’exercer à la solitude peuplée. (Éclipse du datif éthique.) La vérité de l’existence, c’est l’existence, n’est-ce pas ? Il faut déplier ce qui peut l’être. S’acharner. Mais où ? Et dans quel but ?

Est-ce de cela qu’il s’agit maintenant ? Au jour défait du jour ? Que dire de la pâture exquise, de la saveur évanouie du présent simple ? (Accepter l’absence, redoutable épreuve.)

N’être rien, et tenir. La jeunesse est belle. (Dans l’instant fugitif, tout parle de jouissance.) Tous les matins d’été ont l’air d’être les premiers du monde. Mais ensuite ? Disparaître furtivement sans forces pour l’exégèse ? Ou s’envoler à l’appel des terres lointaines ? Se distraire. Où sont les vertus conquérantes, mélancoliques de l’esprit ? Tout est à faire. Soit. (Une vague de vie parcourt la phrase.) Il n’y a pas de honte à être heureux. Retrouver sa mesure profonde. Devenir. Qu’importe l’éternité.

Joseba Eskubi, Insomnia (2011)
       

In abstentia. Roja sangre. Fin de los jacintos. Inicio de la matanza. Roja sangre. Sometida a los efectos funestos de la retirada. ¿Qué buscar a partir de ahora si no la intranquilidad? (Pliegues de tejedoras lentas no Penélope(s)). Voraces exhortaciones, armazones resonantes inútiles, una vez revocadas las pruebas auxiliares, un barullo en toda regla. ¿Qué regla? ¿Dónde está el marco? Ingenuidad por el estilo. El cuerpo en todas sus formas. Fin de la broma. Roja sangre. Estupor de la emoción, ese ensamblaje vivo fuera de la cinta próspera. Apuntando al cero. Las palabras al acecho. Sempiterna cuestión del vínculo, de la atadura. Todo se va al traste. Brutalidad del noble mérito. Las únicas derrotas se dan estando solo frente al espejo, en la conciencia. Entonces repetir dentro de sí el gesto, en silencio. Ejercitarse en la soledad habitada. (Eclipse del dativo ético). La verdad de la existencia es la existencia ¿no? Hay que desplegar aquello que puede serlo. Afanarse. ¿Pero dónde? ¿Y con qué fin?


¿En eso consiste ahora? ¿En el día rendido del día? ¿Qué decir del pasto exquisito, del sabor desvanecido del presente simple? (Aceptar la ausencia, temible prueba).


No ser nada, y aguantar. La juventud es hermosa. (En el instante fugitivo, todo habla del placer). Todas las mañanas de verano parecen las primeras del mundo. Pero ¿y luego? ¿Desaparecer furtivamente sin fuerzas para la exégesis? ¿O esfumarse al reclamo de tierras lejanas? Distraerse ¿Dónde están las virtudes conquistadoras, melancólicas de la mente? Todo está por hacer. Sea. (Una ola de vida recorre la frase). No hay vergüenza en ser feliz. Recuperar su medida profunda. Convertirse. Qué más da la eternidad.
De Milonga (2010).
Traducido en noviembre de 2014

Matthieu Messagier, 'Ahora que el cielo ha roto...'

Matthieu Messagier y Boulou retratados por Nicola Soraga


Maintenant que le ciel a brisé
Les cartes délétères encore
Plus longtemps le jour
Et mille fois vous êtes.
Languir soit qu’un petit peu
Règne de mille feux.
Puis des abîmes résiduels
Ne subsiste que l’empreinte du mortel
Le médicament dormira mieux les jambes vers le sud.
Le ciel était couleur de moelle
Au loin les Français flanchaient.

Matthieu Messagier, Sans titre (2009)


Ahora que el cielo ha roto
Los mapas funestos aún
Más tiempo al día
Y mil veces sois.
Que decaer sea sólo un poquito
Reino de mil fuegos.
Después abismos residuales
Lo único que subsiste es la huella de lo mortal
El medicamento dormirá mejor con las piernas hacia el sur.
El cielo era color de médula
A lo lejos flaqueaban los franceses.

De La dernière écriture du simplicié (2013)
Traducido en octubre de 2014

Claude Royet-Journoud, 'Discriminar'

Hanne Darboven


La poésie entière est préposition.

Ce n’est que lorsqu’on met le pied sur l’âme de la corde que
le récit se déploie. Avant cela, il n’y a que des fragments de
sens et l’on ne voit rien de ce qui noue l’intrigue.

La voix n’aide pas à reconstituer une charpente. Elle dissout
l’ensemble, la fragilise et ne retient que l’apparence.

Les accidents sont essentiels. Ils sont ce qui donne la forme
et sa lisibilité.

« Ils parlent à l’oreille, je veux parler à la mémoire. »
(Joseph Joubert.)

Un excès de sens réduit le vers en cendres.

Dans le creux du langage. Jamais dans le plein.

(« Je » est d’autant plus présent dans Les natures indivisibles 
que, dans La notion d’obstacle, ce pronom était radicalement
absent.)

L’importance du dos.

Un livre n’appartient pas. Un corps, à qui appartiendrait-il ?

« Ma science ne peut être qu’une science de pointillés. Je
n’ai ni le temps ni les moyens de tracer une ligne continue. »
(Marcel Jousse.)

Le corps n’est pas sujet, c’est pourquoi . . .

 


Toda la poesía es preposición.

Sólo al poner el pie en el corazón de la cuerda
se despliega la narración. Antes de eso, sólo hay fragmentos de
sentido y no se ve nada de lo que urde la intriga.

La voz no ayuda a reconstituir un armazón. Disuelve
el conjunto, lo debilita y sólo conserva su apariencia.

Los accidentes son esenciales. Son aquello que da la forma
y su legibilidad.

“Ellos hablan al oído, yo quiero hablar a la memoria”.
(Joseph Joubert)

Un exceso de sentido reduce el verso a cenizas.

En el hueco del lenguaje. Nunca en su abundancia .

( Es más, “yo” está presente en Las naturalezas indivisibles
mientras que en La noción del obstáculo el pronombre estaba radicalmente
ausente).

La importancia del dorso.

Un libro no es una posesión. Un cuerpo, ¿de quién podría serlo?

“Mi ciencia no puede ser otra cosa que una ciencia de puntos. No
tengo ni el tiempo ni los medios de trazar una línea continua”.
(Marcel Jousse)

El cuerpo no es un sujeto, por eso…


De La poésie entière est préposition (2007)
Traducido en septiembre de 2014

Robert Creeley, 'Amor' y 'La alarma'




LOVE

The thing comes
of itself
                    (Look up
to see
          the cat & the squirrel
                                          the one
torn, a red thing,
                         & the other
somehow immaculate



AMOR

La cosa se explica
por sí misma
                        (Levanta la vista
y mira
            al gato y la ardilla
                                   uno
desgarrado, una cosa roja,
                                   y otro
de alguna forma inmaculado


Francis Bacon, Reclining Nude


THE WARNING


For love—I would
split open your head and put
a candle in
behind the eyes.

Love is dead in us
if we forget
the virtues of an amulet
and quick surprise.


LA ALARMA

Por amor—partiría
tu cabeza en dos y pondría
una vela detrás
de los ojos.

El amor se muere dentro de nosotros
si olvidamos
las virtudes de un amuleto
y la sorpresa inmediata.


De The Collected Poems of Robert Creeley, 1945-1975
Traducido en agosto de 2014

Henri Meschonnic, Dos poemas

Rayogramme II, Man Ray


des cheveux tremblent sur des pierres
je vois les confondus en terre
les gestes creux
les ventres de la vie
dans un sol où se fondent des os
une terre écorchée de légende
les cris de ces yeux
gouttent sur l’herbe
je plonge mes bras dans le vivier
des morts


cabellos que tiemblan sobre las piedras
veo a los enmudecidos en tierra
los gestos vacíos
los vientres de la vida
en un suelo donde se disuelven los huesos
una tierra desgarrada de leyenda
los gritos de esos ojos
gotean sobre la hierba
sumerjo los brazos en el vivero
de los muertos





je marche mon exode
il n’y a plus de chants
je ne demande plus rien
je suis la plaie où les mensonges brûlent
c’est sous ma peau que remue le monde
la peur tremble embourbée
on avance
je marche derrière ma vie
comme un esclave
je ne supporte pas
le spectacle de mon visage


camino mi éxodo
no quedan cánticos
no pido nada más
soy la llaga que queman las mentiras
bajo mi piel se mueve el mundo
el miedo tiembla anegado
sigamos
camino tras mi vida
como un esclavo
no soporto
el espectáculo de mi rostro


De Légendaire chaque jour, 1979.
Traducido en julio de 2014

Matthieu Baumier, 'La voz desgañitada de las lunas'


Rodchenko. Negro sobre negro (1918)


LA VOIX DÉCHIRÉE DES LUNES


La voix déchirée des lunes
dérive sur les continents
face aux mémoires englouties
et s’éteint dans la nuit des pierres

Tout est silence.

Elle regarde les oiseaux aux mains coupées
leurs fissures déshéritées, le sol gris
la cendre du sens.

Il ne se passe rien
Quand un monde se meurt.

Tout est dans le chant absent.

Imagen de 3:AM Magazine


LA VOZ DESGAÑITADA DE LAS LUNAS

La voz desgañitada de las lunas
va a la deriva de los continentes
enfrentando recuerdos soterrados
y se apaga en la noche de las piedras

Todo es silencio.

Ella mira los pájaros con las manos cortadas
sus grietas repudiadas, suelo gris
ceniza del sentido.

No ocurre nada
cuando un mundo se muere.

Todo se da en el canto ausente.



De Mystes, 2013.
Traducido en julio de 2014

Robert Desnos, 'Bajo los sauces'



SOUS LES SAULES


L’étrange oiseau dans la cage aux flammes
Je déclare que je suis le bûcheron de la forêt d’acier
que les martres et les loutres sont des jamais connues
l’étrange oiseau qui tord ses ailes et s’illumine
Un feu de Bengale inattendu a charmé ta parole
Quand je te quitte il rougit mes épaules et l’amour
Le quart d’heure vineux mieux vêtu qu’un décor lointain
étire ses bras débiles et fait craquer ses doigts d’albâtre
À la date voulue tout arrivera en transparence
plus fameux que la volière où les plumes se dispersent
Un arbre célèbre se dresse au-dessus du monde
avec des pendus en ses racines profondes vers la terre
c’est ce jour que je choisis
Un flamboyant poignard a tué l’étrange oiseau dans la cage de flamme
et la forêt d’acier vibre en sourdine illuminée par le feu des mortes giroflées
Dans le taillis je t’ai cachée dans le taillis qui se proclame roi des plaines.


André Kertész


BAJO LOS SAUCES

El extraño pájaro de la jaula en llamas
Declaro que soy el leñador del bosque de acero
que las martas y las nutrias son completas desconocidas
el extraño pájaro que dobla las alas y se ilumina
Un fuego de Bengala inesperado ha prendado tu palabra
Cuando te abandono inflama mis hombros y el amor
El cuarto de hora de licor mejor vestido que un decorado lejano
estira sus brazos débiles y crepita sus dedos de alabastro
En la fecha buscada todo aparecerá en su transparencia
Más insigne que la pajarera donde se esparcen las plumas
Un árbol ilustre se yergue por encima del mundo
con ahorcados en sus raíces profundas hacia la tierra
ese es el día que elijo
Un radiante puñal ha matado al extraño pájaro en la jaula de llamas
y el bosque de acero vibra en sordina iluminado por el fuego de los muertos alhelíes
En el verdugal te he escondido en el verdugal que se proclama rey de los llanos.


De Les Tenèbres, 1927
Traducido en junio de 2014

Louis Aragon, 'Llego a donde soy extranjero'



J’ARRIVE OÙ JE SUIS ÉTRANGER


Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger
Un jour tu passes la frontière
D’où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu’importe et qu’importe hier
Le coeur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon
Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l’enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C’est le grand jour qui se fait vieux
Les arbres sont beaux en automne
Mais l’enfant qu’est-il devenu
Je me regarde et je m’étonne
De ce voyageur inconnu
De son visage et ses pieds nus
Peu a peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d’antan
Tomber la poussière du temps
C’est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C’est comme une eau froide qui monte
C’est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu’on corroie
C’est long d’être un homme une chose
C’est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux
O mer amère ô mer profonde
Quelle est l’heure de tes marées
Combien faut-il d’années-secondes
A l’homme pour l’homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées
Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger

Broken Circle, Robert Smithson


LLEGO A DONDE SOY EXTRANJERO


No hay nada más precario que la vida
Nada más fugaz que el ser
Algo así como escarcha que se funde
Como viento que discurre en calma
Llego a donde soy extranjero
Atraviesas un día la frontera
De dónde vienes, pero a dónde vas
Qué importa el ayer, mañana qué importa
Corazón que muda a la par que el cardo
Nada cuenta ni con perdón ni rima
Pásate ahora el dedo por la sien
Toca la infancia que visten tus ojos
Mejor dejemos las luces veladas
Si más nos asiste larga la noche
El gran día envejece
Bellos van los árboles por el otoño
Pero qué fue del niño
Me miro y me asombro
De este viajero desconocido
De su rostro y de sus pies desnudos
Poco a poco te vuelves silencio
Pero no tan rápido
Para no poder percibir tu abismo
Y sobre aquel que fuiste antaño
Dejar caer el polvo del tiempo
Envejecer es lento al fin y al cabo
La arena se escapa entre los dedos
Como agua fría en su ascenso
Rubor en su crecida
Cuero en su réplica que corroer
Es lento ser un hombre una cosa
Desprenderse de todo
Dime si sientes las metamorfosis
Que dentro de nosotros
Nos postran despacio de rodillas
Oh, mar amarga oh, mar profunda
A qué hora discurren tus mareas
Cuántos años segundo necesita
El hombre para abjurar del hombre
Por qué por qué tanta caricatura
No hay nada más precario que la vida
Nada más fugaz que el ser
Algo así como escarcha que se funde
Como viento que discurre en calma
Llego a donde soy extranjero


De Le Crève-Coeur, 1941
Traducido en mayo de 2014

Ezra Pound, 'Francesca'

Ezra Pound II


FRANCESCA


You came in out of the night
And there were flowers in your hand,
Now you will come out of a confusion of people,
Out of a turmoil of speech about you.

I who have seen you amid the primal things
Was angry when they spoke your name
In ordinary places.
I would that the cool waves might flow over my mind,
And that the world should dry as a dead leaf,
Or as a dandelion see-pod and be swept away,
So that I might find you again,
Alone.


Ezra Pound


FRANCESCA


Llegaste salida de la noche
con flores en la mano.
Ahora saldrás de un tropel de gente,
de un caos de habladurías sobre ti.

Yo, que te vi entre las cosas primeras,
me enfurecí cuando oí tu nombre
en lugares triviales.
Ojalá frías olas nublaran mi mente,
se secara el mundo como una hoja muerta
o como un diente de león y se disipara,
para que pudiera verte de nuevo,
sola.
 
De Personae (1909).
Traducido en mayo de 2014

Nicole Brossard, 'Toda sed es surco de luz...'



toutes les soifs sont des creux de lumière
dans la douleur un temps fort d’origine

dans le grand tableau des pronoms
dis-moi si ma mort va vite d’un siècle
à l’autre s’il faut oublier au fil du temps
l’orchidée, ajourner le délire
dis-moi si cet appétit que j’ai de l’aube
ira au milieu des cultures
trembler comme une obsession, un horizon

*

on appelle bruit de beauté
la mer soudée au sel dans l’infiniment nuit
au-delà de tous les récits
on appelle aussi
bruit de beauté le silence
sa signature lente au bas de l’aube

*

bien sûr, il y a des disparues
des femmes qui aimaient
les enfants, les musées, les olives
un peu notre civilisation
mais surtout l’espoir avec ses installations
de paradoxes et d’infiniment la vie
bien sûr tout ce qui est au futur
je dois l’imaginer mains sincères
le dénouer recommencer
pas trop la rage, pas trop la mort
versant de vertige
au milieu la vie, grand cru


Imagen de Ana Teresa Barboza


toda sed es surco de luz
en el dolor un instante clave de origen

en la enorme lista de pronombres
dime si mi muerte corre de un siglo
a otro si hay que acabar olvidando
la orquídea, posponer el delirio
dime si este apetito que tengo del alba
acabará entre las culturas
temblando como una obsesión, un horizonte

*

se llama rumor de belleza
al mar soldado con sal a la eternamente noche
más allá de cualquier historia
también se llama
rumor de belleza al silencio
su lenta firma al fondo del alba

*

claro que hay desaparecidas
mujeres que amaban
los niños, los museos, las aceitunas
algo de nuestra civilización
pero sobre todo la esperanza con sus instalaciones
de paradojas y de la vida eternamente
claro que todo lo que hay en el futuro
he de imaginármelo con manos sinceras
desatándolo retomándolo
sin mucha rabia, sin mucha muerte
rociando vértigo
en medio de la vida, vasto sembrado.

Extraído de Ardeur (2008)
Traducido en abril de 2014

Francis Ponge, 'El martirio del día'



LE MARTYRE DU JOUR ou «CONTRE L’EVIDENCE PROCHAINE»


Considération, baie des nuits, pure vitre d’une ennuyeuse entrelueur à l’aube embue, le volet bleu fermé d’un coup il fait jour à l’intérieur.

*

Aussitôt sur Oscar l’incisif outil du soleil brille. Il divise ses cils. Dès l’œil ouvert, à bas du songe coursier, Oscar est mis debout sur le plan de la mer. Et son corps culbuteur toujours contre l’attrait du sol efforce ses muscles: animaux, d’une vaine chaleur mécanique, vaincus. Terre à terre tout saute et grouille autour de lui. Pour se dépêcher, il faut multiplier les regards et faire attention tout près.

*

Dans une anthologie romantique, Julie, la peau dorée, les cuisses aérées sous une robe légère, lisait. Il la bouscule devant un bazar. On y voit des tapis étalés comme des campagnes, et des bronzes dessus comme des rochers. Des coffrets ouvrés ressemblent à des villes. De l’or des genêts, du violet des bruyères une carpette est brochée. « C’est trop, dit Oscar, et pas cher dans le Catalogue moderne.»

*

On torréfie du café par là, le toit d’en face est rouge, un jet de vapeur siffle. Oscar est tout à fait accaparé. Réduit, stérilisé, il s’agite sur une chaise de fer. Un éblouissement confond le ciel et la rue. Derrière une grille de lumière, on voit sur les murs bleus des nuages affichés.

*

Mais enfin les ombres autour des architectures tournent, tout court se tasser dans le fond pour le drame des perspectives car une majesté puissamment avenue étouffe la lampe tyrannique. Tandis que Julie doit fermer son livre, Oscar, prunelles élargies, les étalages rentrés, voit se rétrécir vite l’intérêt du soleil.


 




EL MARTIRIO DEL DÍA O “CONTRA LA PRÓXIMA EVIDENCIA”

Contemplación, ventanal de noches, puro cristal de umbría hastiada en el amanecer absorto, la persiana azul bajada de golpe, es de día dentro de la habitación.

*

Enseguida brilla sobre Oscar el incisivo artilugio del sol. Vislumbra sus pestañas. Desde los ojos abiertos hasta abajo, en la abstracción emisaria, Oscar se eleva sobre la superficie del mar. Y con el cuerpo aún volcado contra la atracción del suelo: animales, de banal calor mecánico, vencidos. Todo salta y bulle a su alrededor, de tierra en tierra. Para avanzar, hay que tener mil ojos y estar muy alerta.

*

En una antología romántica, Julie leía, con la piel dorada y las piernas aventadas bajo un vestido suelto. Él la urge en un bazar. Hay alfombras desplegadas como campos, con bronces encima como piedras. Los baúles abiertos parecen ciudades. Oro de retama y violeta de brezo se entretejen en una alfombrilla. “Es muy caro” dice Oscar, “los hay más baratos en el Catálogo moderno”.

*

Allí se tuesta café, el tejado de enfrente es rojo, exhala un chorro de vapor. Oscar está completamente abrumado. Mermado, esterilizado, traquetea en una silla de hierro. Un resplandor confunde la calle y el cielo. Detrás de una rejilla de luz se ven nubes encaramadas en los muros azules.

*

Pero por fin se vuelcan las sombras de las arquitecturas, para hundirse sin más al fondo en un drama de perspectivas, pues una majestad potencialmente avenida consume la lámpara tiránica. Mientras Julie ha de cerrar el libro, Oscar, con las pupilas dilatadas y los puestos recogidos, observa el rápido agotamiento del sol.


De Quatre satires, 1926 (incluido en Le parti pris des choses, 1942).
Traducido en abril de 2014

Gary Snyder, 'Canción del gusto'



SONG OF THE TASTE



Eating the living germs of grasses
Eating the ova of large birds

    the fleshy sweetness packed
    around the sperm of swaying trees

The muscles of the flanks and thighs of
                  soft-voiced cows
    the bounce in the lamb’s leap
    the swish in the ox’s tail

Eating roots grown swoll
                 inside the soil

Drawing on life of living
     clustered points of light spun
                   out of space
hidden in the grape.

Eating each other’s seed
                    eating
   ah, each other.

Kissing the lover in the mouth of bread:
              lip to lip.



 


CANCIÓN DEL GUSTO


Comer los gérmenes vivos de las hierbas
Comer los óvulos de grandes pájaros

El carnoso dulzor henchido
al esperma del vaivén de los árboles

Los músculos de lomo y muslos
de vacas mansas
El brinco del cordero en su salto
La cola del buey en su balanceo

Comer las raíces que crecen
firmes bajo el suelo

Recoger la vida de vívidos
racimos de puntos en hileras luminosas
fuera del espacio
ocultos en la viña.

Comer la semilla del otro
comerse,
ah, el uno al otro.

Besar al amante en la boca del pan:
labio a labio.


De Regarding Wave, 1970.
Traducido en marzo de 2014

Salah Stétié, 'Canción del mes de agosto'



CHANSON DU MOIS D’AOÛT


Tammouz à l’horizon meurt,
son sang bu par le crépuscule
en nocturne caverne. L’obscur
est civière d’ambulance noire.
Nuit qu’on dirait troupeau de femmes :
le kohl et les vêtures noires.
La nuit est tente.
La nuit est un jour en impasse.

J’ai appelé des enfants la noire nourrice :
voici que la nuit vient, Morjâne,
allume la lampe, et quoi donc ? J’ai faim.
Et … quoi encore ? N’est-il un air ?
Cette radio, qu’est-ce qu’elle ressasse ?
A Londres, c’est musique de jazz, ô Morjâne,
allons vers elle, je suis joyeuse,
le jazz est pour le sang cadence.


 


CANCIÓN DEL MES DE AGOSTO


Tamuz en el horizonte muere,
cuando el alba bebe su sangre
en cueva nocturna. La oscuridad
como camilla de ambulancia negra.
Noche cual rebaño de mujeres:
kohl y prendas negras.
La noche como dosel.
La noche como día en punto muerto.

He buscado de los niños la negra nodriza:
ya llega la noche, Morjâne,
enciende la luz, ¿qué pasa? Tengo hambre.
¿Y ahora qué? ¿No es el viento?
¿Con qué martillea la radio?
En Londres, es música jazz, ay, Morjâne,
vamos a por ella, estoy contenta,
el jazz es para la sangre cadencia.



De Poèmes de Djaykoûr (1983)
Traducido en marzo de 2014

Edmond Jabès, 'A ti, te hablo'



A TOI, JE PARLE


A toi, je parle. L’écho. Les coraux des marelles transmises. La bonne nouvelle brille, aujourd’hui. A toi, j’annonce le don du désir, la mer sans trajet, la bouche.
A toi, l’indiscipline des cimes à tête de jument, le hennissement de la neige, là-bas, sans exemple.
A toi, amour exaspéré, les vérités premières, le délai accordé aux pierres perchées.
A toi, seul pour toi, le deuil des cierges, l’hymne au roc, la carte inviolée du signe.

*
Blessée dans ta candeur. L’écaille. Les liens sauvages de l’air et de l’eau. Une fois sauvée, plus belle, les seins exposés, les cuisses, compagnes de l’onde.
Et l’entrave de l’amour à la fuite facile.

*

Le nombre. L’écrin. Le jeu des insignes convoités. L’alphabet, aphtes grossiers. Les lèvres crèvent avec la phrase.
Ici, j’étale. Pages, impatient pays. Ici, je peuple, je boise, je bâtis. L’encre étanche le sol, rivière et pluie. Ici, tu règnes.

*

A toi, je dédie. Le sable. Le fruit du dialogue, algue roussie.
Et le seuil dans les décombres, plage réduite.

*

Immobile. Réplique de la lampe.
Demain tranché à l’étonnement des mains.




A TI, TE HABLO


A ti, te hablo. El eco. Los corales de las rayuelas entregadas. Hoy brilla la buena nueva. A ti, te anuncio el don del deseo, el mar sin travesía, la boca.
A ti, la indisciplina de las cumbres con cabeza de yegua, el relincho de la nieve, allá, sin igual.
A ti, amor desesperado, las verdades primeras, el plazo concedido a las piedras altas.
A ti, sólo para ti, el luto de los cirios, el himno a la roca, el mapa inmaculado del signo.

*

Herida en tu inocencia. La escama. Los vínculos salvajes del aire y el agua. Ahora que estás salvada, más hermosa, con el pecho descubierto, los muslos, cómplices de la onda.
Y las trabas del amor de fácil huida.

*

El número. El cerco. El juego de las insignias ansiadas. El alfabeto, aftas zafias. Se agrietan los labios al pronunciarse.
Aquí, me expando. Páginas, tierra inquieta. Aquí me dispongo a repoblar, forestar, construir. La tinta inunda el suelo, río y lluvia. Aquí, reinas tú.

*

A ti, te dedico. La arena. El fruto del diálogo, alga quemada.
Y el umbral de las ruinas, playa menguada.

*

Inmóvil. Réplica de la lámpara.
Camino que marca mi novel tacto.


De L'écorce du monde, 1953-1955
Traducido en febrero de 2014

Wallace Stevens, 'Cualquier reclinada en un diván'

Wallace Stevens - Descontexto[1]


SO-AND-SO RECLINING ON HER COUCH


On her side, reclining on her elbow.
This mechanism, this apparition,
Suppose we call it Projection A.

She floats in air at the level of
The eye, completely anonymous,
Born, as she was, at twenty-one,

Without lineage or language, only
The curving of her hip, as motionless gesture,
Eyes dripping blue, so much to learn.

If just above her head there hung,
Suspended in air, the slightest crown
Of Gothic prong and practick bright,

The suspension, as in solid space,
The suspending hand withdrawn, would be
An invisible gesture. Let this be called

Projection B. To get at the thing
Without gestures is to get at it as
Idea. She floats in the contention, the flux

Between the thing as idea and
The idea as thing. She is half who made her.
This is the final Projection C.

The arrangement contains the desire of
The artist. But one confides in what has no
Concealed creator. One walks easily

The unpainted shore, accepts the world
As anything but sculpture. Good-bye
Mrs. Pappadopoulos, and thanks.



  jstevensjj


CUALQUIERA RECLINADA EN UN DIVÁN


De perfil, reclinada sobre el codo.
Ese mecanismo, esa aparición,
pongamos que se llama Proyección A.

Flota en el aire, a la altura de
los ojos, en total anonimato,
nacida, como lo fue, con veintiún años,

sin estirpe ni lenguaje, más que la
curva de su cadera, cual gesto inmóvil,
ojos que gotean azul, tanto por aprender.

Si justo sobre su cabeza pendiera
suspendida en el aire la más leve corona
de punta gótica y brillo eficaz,

la suspensión, como en tierra firme,
retirada la mano suspensa, sería
un gesto invisible. Llamemos a esto

Proyección B. Alcanzar la cosa sin
gestos es alcanzarla como idea.
Ella flota en la contienda, el flujo

entre la cosa como idea y la
idea como cosa. Es a medias quien le hizo.
Esta es la última Proyección C.

El orden alberga el deseo del
artista. Pero uno confía en lo exento
de creador oculto; anda cómodo

por orillas sin pintar, concibe el mundo
en cualquier forma salvo escultura. Adiós,
Sra. Papadópoulos, y gracias.